Quatre personnes sur cinq souffrent de lombalgie au cours de leur vie. Compte tenu de cette prévalence élevée, l’Assurance Maladie a constitué un groupe de travail multidisciplinaire qui a pour but d’optimiser les parcours de soins et d’accompagner les pratiques des professionnels de santé concernés (médecins généralistes, rhumatologues, rééducateurs, chirurgiens, kinésithérapeutes). L’Assurance Maladie a publié une synthèse des travaux de ce groupe dont voici les principaux éléments.
Dans la majorité des cas, l’évolution spontanée de la lombalgie est favorable dans les 4 à 6 semaines suivant un épisode aigu : 90 % des patients seront guéris dans ce délai. En cas de persistance de la lombalgie au-delà de 4 à 6 semaines, on parle de lombalgie subaiguë qui risque d’évoluer vers la chronicité si les symptômes douloureux persistent au-delà de 12 semaines. L’évolution des lombalgies vers la chronicité s’observe dans seulement 6 à 8 % des cas, mais représente à elle seule plus de 85 % des coûts médicaux directs et indirects de la lombalgie. Il est très important d’identifier ces patients à risque, pour leur proposer une prise en charge spécifique afin d’éviter ce passage à la chronicité.
En l’absence de signes de gravité, rassurer le patient et maintenir une activité physique
Devant toute lombalgie aiguë, il faut s’assurer qu’il n’existe pas d’affection sous-jacente en cherchant des signes d’alerte ou « drapeaux rouges », dont la présence nécessite des examens complémentaires, voire des gestes d’urgence. Si ces signes d’alerte sont écartés, la lombalgie est commune et il faut rassurer le patient sur la bénignité de l’affection, en dépit d’une douleur qui peut parfois être intense. Il faut s’attacher à maintenir dans la mesure du possible l’activité physique ou socio-professionnelle du patient. En effet, le repos n’a pas d’effet bénéfique dans la lombalgie aiguë et a même un effet aggravant. La poursuite d’une activité physique est certainement le meilleur traitement de la lombalgie à tous les stades. Il n’y a pas d’intérêt à proposer systématiquement un examen d’imagerie dans le premier mois d’évolution. En revanche, il faut mettre en place un traitement médicamenteux de la douleur, adapté à son intensité, qui peut aider au maintien de l’activité, en expliquant au patient qu’il ne risque pas de se blesser en restant actif et que se mobiliser est un facteur de guérison. Analyser précocement les aspects psychologiques et les aspects sociaux (personnel, professionnel) est important pour réduire le risque de chronicisation.
Rechercher les indicateurs psychosociaux d’un risque accru de passage à la chronicité tout au long de la prise en charge
Si après 4 à 6 semaines de traitement bien conduit le patient n’est pas guéri, il faut réévaluer la clinique pour s’assurer de l’absence de complications neurologiques (déficit moteur, syndrome de la queue de cheval), discuter la réalisation d’examens complémentaires et approfondir l’évaluation des facteurs de risque de passage à la chronicité :
- Attitudes et représentations inappropriées par rapport au mal de dos, telles que l’idée que la douleur représenterait un danger et qu’elle pourrait entraîner un handicap grave, ou un comportement passif avec attentes de solutions placées dans des traitements plutôt que dans une implication personnelle active.
- Comportements inappropriés face à la douleur, en particulier d’évitement ou de réduction de l’activité, liés à la peur.
- Problèmes liés au travail (insatisfaction professionnelle ou environnement de travail jugé hostile) ou problèmes liés à une indemnisation (rente, invalidité).
- Problèmes émotionnels (dépression, anxiété, stress, isolement).
Le mécanisme étiologique est précisé si nécessaire, en demandant si besoin un avis spécialisé médical (rhumatologue, médecin de médecine physique et de réadaptation). Une rééducation active peut être mise en place, parfois même dès la fin de la phase aiguë, si on craint une désadaptation à l’effort. Afin de prévenir une désinsertion socioprofessionnelle, il est nécessaire de mettre en place une concertation avec le service de la médecine du travail et le service du contrôle médical de l’Assurance Maladie en cas d’arrêt de travail, pour anticiper la reprise.
Au-delà de 3 mois d’évolution, il faut réévaluer la situation clinique et inscrire son patient dans un dispositif de soins coordonnés pluriprofessionnels.
La chirurgie a peu de place dans la lombalgie pure, au contraire de la lombosciatique (où la décompression vise à soulager la radiculalgie, alors que la lombalgie est inconstamment soulagée). L’évaluation complémentaire en cas de résistance à un traitement médical bien conduit doit être faite par un rhumatologue ou un médecin de médecine physique et de réadaptation.
Dr Agnès Chabot, rhumatologue, Paris